Novembre 2020, sur une piste en herbe à 1.300 ft d’altitude et une température de 10° C, un pilote de DR-400 Regent décolle, avec à son bord, trois passagers, La piste offre 550 m de longueur disponible au décollage. Le QFU inverse aurait ajouté 50 m de plus et il n’y a pas 1 kt de vent.
Le commandant de bord expérimenté de 105 heures au total et 19 heures sur le Robin s’aligne, effectue un décollage sur freins avec 15° de volets. Vérification du régime en statique, après avoir affiché pleins gaz, il lâche les freins et le DR400 accélère normalement. D’après les images enregistrées par la caméra de l’aérodrome, le décollage intervient dès 300 m de roulage.
Mais une fois l’avion en vol, le CDB constate que son aéronef a du mal à prendre de la hauteur et ne parvient pas à accélérer au-delà de 60 Kt. Voyant les arbres en bout de piste, il décide d’interrompre le vol et repose l’appareil juste avant l’extrémité de la piste. Appareil au sol, il freine mais le DR400 glisse sur l’herbe humide. Actionnant les freins par à-coups pour ne pas glisser, le pilote n’arrive pas à contrôler l’arrêt et son DR400 s’immobilise dans un bosquet. Les occupants sont sains et saufs mais l’aéronef est endommagé.
Le pilote n’a perçu aucune perte de puissance durant la course au décollage et lors de la rotation. Le rapport mentionne que le pilote avait bien calculé son devis de masse et centrage, la masse maximale autorisée au décollage avait une valeur inférieure aux limites. Le centrage était bien compris dans l’enveloppe. Pour les performances de décollage, le manuel de vol du Robin indique que l’exploitation sur des pistes en herbe sèche augmente la distance de roulement et de décollage de 15%.
Le rapport précise que le manuel de vol du Robin n’indique aucun facteur à prendre en compte pour une piste en herbe humide mais qu’il est d’usage de multiplier par 1,3 la distance nominale. Sur les valeurs de distance de décollage sur piste en herbe sèche, le pilote avait bien ajouté 15%, obtenant ainsi une distance de roulage et de décollage de 662 m pour passer les obstacles en bout de piste. Une faible marge de sécurité, puisque la piste mesurait 600 m.
Le commandant de bord a indiqué avoir eu l’impression de ne pas pouvoir accélérer au-delà de 60 Kt ni monter après avoir quitté le plancher des vaches. Ainsi, le DR400 s’est retrouvé en second régime, une plage où la traînée est forte suite à une incidence importante, la puissance étant insuffisante pour prendre de la vitesse. Pour revenir en premier régime, il est impératif de diminuer la traînée, afin de diminuer l’incidence par variation d’assiette et ce, pour laisser l’avion accélérer et atteindre sa vitesse de montée, vitesse de meilleur taux de montée (Vy pour obtenir la Vz max) ou de meilleur angle de montée (Vx), cette dernière à tenir compte en présence d’obstacles sous la montée initiale.
Le rapport émet donc l’hypothèse que le pilote, ait effectuée une rotation trop hâtive, puisqu’il était conscient d’une marge de sécurité très faible. Dans ce cas, l’avion se retrouve à l’extrémité de la courbe de puissance, avec un maximum de traînée et reste donc « bloqué » dans le second régime, l’empêchant de prendre de la vitesse et donc de gagner de la hauteur.
Au second régime, à incidence trop élevée, l’appareil ne peut alors pas gagner en vitesse sans perdre de hauteur car les exigences en termes de puissance nécessaire sont très proches de la puissance utile. C’est le cas dans la zone critique mentionnée dans la partie gauche du dessins c-dessous. Dans cette partie rouge, plus on vole doucement, plus on a besoin de puissance pour palier la traînée. La puissance varie à l’inverse de la vitesse. Ce n’est qu’après avoir passé le point de puissance minimale nécessaire au vol que la vitesse est directement proportionnelle à la puissance affichée, soit le premier régime.
Le rapport précise que « la décision du CMD de stopper le décollage était adaptée à la situation critique ». Il est dit qu’après l’atterrissage, la configuration décollage (1 cran de volets) a été maintenue, la distance de freinage aurait pu être minimisée avec les volets rentrés, la configuration lisse offrant une adhérence plus accrue. Mais l’herbe étant humide, le DR400 a dérapé, la collision avec les obstacles n’ayant pu être évitée.